J'ai un faible pour les appareils photo soviétiques. "Copies de Leica"? "Leica du pauvre"? J'y verrais plus simplement d'excellents appareils, robustes et capables d'apporter les fonctionnalités d'un Leica pour un prix très modeste. Et très attachants, "pour qui aime la belle mécanique", pour citer Franquin.
Le Zorki 3C
Si on ne considère que l'aspect économique, il y a sûrement de meilleures opportunités en argentique aujourd'hui, où foule de boitiers reflex de très haute qualité et encore récents inondent le marché de l'occasion.
Alors qu'apporte un Zorki?
-La visée directe avec télémètre.
-Un excellent objectif standard de 50mm.
-Une ergonomie simple et fonctionnelle. Un barillet de vitesse, une bague de diaphragme, point.
J'ai la chance d'avoir un Zorki 3c de 1958, de famille. C'est un appareil extraordinairement attachant. Robuste avec son boitier en métal moulé. Après cinquante ans de service il aurait bien besoin d'une révision de l'obturateur pour ranimer les vitesses lentes et d'un remplacement de rideau, mais en l'état il est toujours parfaitement utilisable. Je viens de démonter l'objectif pour remettre un peu de graisse qui manquait, et il a retrouvé une fluidité digne des meilleurs. La mise au point se fait d'un doigt, sans effort, grâce à l'ergot sur la bague de mise au point.
Liens concernant la maintenance des objectifs sur cette page (anglais): http://www.pentax-manuals.com/repairs.htm
La qualité de fabrication est très bonne. En particulier sensible dans l'usinage de l'objectif.
Le Fed 5b:
J'ai aussi un Fed 5b acheté neuf en Russie en 1992 pour une bouchée de pain vraiment. Le Fed et apparemment très similaire de conception, mais ne donne pas la même impression de qualité de fabrication. Tout ce que je dis pour le Zorki peut s'appliquer au Fed, en moins bien. La principale différence fonctionnelle étant le levier d'armement et la manivelle de rembobinage. C'est quand même un appareil intéressant, et j'en mets ici quelques photos pour illustrer leur anatomie commune.
Le Fed a un retardateur mécanique en face avant.
Le fed a aussi un compteur de vues et un rappel manuel de la sensibilité du film.
Revenons donc au Zorki pour une petite revue:
Le viseur est correct, couvrant juste le 50mm, et manquant un peu de générosité, mais la mise au point télémétrique est aisée. Il y a un correcteur dioptrique pour l'ajuster à sa vue, seul raffinement sur ce boîtier, utile car l'usage avec des lunettes serait quasi impossible.
Le barillet de vitesse est un point faible puisqu'il faut le tirer vers le haut pour changer la vitesse. Impossible de le faire à la volée. En fait avec ce genre d'appareil ce n'est pas gênant. En effet, étant dépourvu de cellule de mesure de la lumière, l'exposition doit être mesurée ou estimée avant. On choisit le couple vitesse-diaphragme avant de cadrer, et si on veut ajuster ensuite on peut toujours décaler un peu l'ouverture.
La bague de réglage du diaphragme n'est pas crantée, on passe en continu d'une valeur à l'autre. Attention à ne pas la faire tourner involontairement.
L'avance du film se fait en tournant un bouton, pas de levier d'armement.
Le rembobinage en fin de film se fait avec l'autre bouton.
L'objectif du Zorki est un Jupiter-8, 50mm f:2. traité anti-reflet. Il est tout simplement excellent. Certes, c'est un objectif des années cinquante, qui va rendre quelques points aux monstres modernes avec lentilles asphériques et traitement multi-couches sur le plan du contraste et du piqué. Mais il bénéficie d'un traitement antireflet et globalement il a toutes les qualités qu'on attend d'un objectif moderne: lumineux, il produit une image homogène sans distorsion ni vignettage marqué, et n'est pas trop sensible aux lumières parasites.
J'allais oublier de préciser que l'objectif amovible (on peut le remplacer par un télé ou un grand angle) est à monture à vis M39 (ou LTM), C'est-à-dire la même que les anciens Leica (d'avant le M). Avec un simple adaptateur on peut fixer ces objectifs sur un boîtier Leica M, en conservant en partie* la précision de la mise au point et le couplage du télémètre. C'est la beauté du système bien pensé développé par Leica. Alors, ça n'intéresse pas forcément les possesseurs de matériel Leica déjà bien lotis, mais ça ouvre des possibilités, d'autant plus que la marque Cosina-Voïgtlander offre aussi des objectifs avec cette monture à vis parfaitement compatibles avec les boitiers fed et zorki.
- en partie, parce qu'il existe un léger décalage de mise au point entre les russes et les Leica. D'après les témoignages lus, beaucoup comme moi s'en accommodent bien et d'autres ont fait corriger la mise au point par un spécialiste.
A l'image
L'embarcadère et la plage d'Arcachon. Zorki 3C avec Jupiter-8 2/50, Film T-Max 400
Pour comparaison, la plage d'Anglet, prise avec un objectif Leica, Summicron 2/50 sur un boîtier Voïgtlander Bessa R2, film Delta 400:
Le Summicron a un avantage certain en piqué et gestion du contraste difficile, Mais en vérité il a fallu que je sorte le compte-fils pour vérifier que les deux autre photos avaient bien été prises avec le Zorki (en comparant les bordures), parce que je ne m'en souvenais plus. A première vue, c'est kif-kif.
En conclusion, le petit supplément de punch du Summicron pourra être utile en diapo, avec un boîtier capable d'exposer précisément comme le Bessa, ou un Leica. Avec du film négatif, noir et blanc ou couleur, les Russes s'en sortent très honorablement.
Un lien d'un passionné: http://www.sovietcamera.fr/